Doc:Création : Introduction : Différence entre versions
(→Dialogue) |
|||
Ligne 2 : | Ligne 2 : | ||
=== Dialogue === | === Dialogue === | ||
:SOCRATE | :SOCRATE | ||
− | Il | + | Il existe de nombreux lits et de nombreuses tables. |
− | : GLAUCON | + | :GLAUCON |
− | + | Oui, forcément. | |
− | + | :SOCRATE | |
+ | Mais pour ces deux meubles, il n'y a que deux Formes, l'une de lit, l'autre de table. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Oui. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | N'avons-nous pas aussi coutume de dire que le fabricant de chacun de ces deux meubles porte ses regards sur la Forme, pour faire l'un les lits, l'autre les tables dont nous nous servons, et ainsi des autres objets ? car la Forme elle-même, aucun ouvrier ne la façonne, n'est-ce pas ? | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Non, certes. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Mais vois maintenant quel nom tu donneras à cet ouvrier-ci. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Lequel ? | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Celui qui fait tout ce que font les divers ouvriers, chacun dans son genre. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Tu parles là d'un homme habile et merveilleux. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Attends, et tu le diras bientôt avec plus de raison. Cet artisan dont je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encore tout ce qui pousse de la terre, il façonne tous les vivants, y compris lui-même, et outre cela il fabrique la terre, le ciel, les dieux, et tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dans l'Hadès. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Voilà un sophiste tout à fait merveilleux. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Tu ne me crois pas ? Mais dis-moi : penses-tu qu'il n'existe absolument pas d'ouvrier semblable ? ou que, d'une certaine manière on puisse créer tout cela, et que, d'une autre, on ne le puisse pas ? Mais tu ne remarques pas que tu pourrais le créer toi-même, d'une certaine façon. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Et quelle est cette façon ? demanda-t-il. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Elle n'est pas compliquée, répondis-je ; elle se pratique souvent et rapidement, très rapidement même, si tu veux prendre un miroir et le présenter de tous côtés tu feras vite le soleil et les astres du ciel, la terre, toi-même, et les autres êtres vivants, et les meubles, et les plantes, et tout ce dont nous parlions à l'instant. | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Oui, mais ce seront des apparences, et non pas des réalités. | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Bien, dis-je, tu en viens au point voulu par le discours ; car, parmi les artisans de ce genre, j'imagine qu'il faut compter le peintre, n'est-ce pas ? | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Comment non? | ||
− | + | :SOCRATE | |
+ | Mais tu me diras, je pense, que ce qu'il fait n'a point de réalité ; et pourtant, d'une certaine manière, le peintre lui aussi fait un lit. Ou bien non ? | ||
− | + | :GLAUCON | |
+ | Si, répondit-il, du moins un lit apparent. |
Version du 14 février 2020 à 19:05
Platon
Dialogue
- SOCRATE
Il existe de nombreux lits et de nombreuses tables.
- GLAUCON
Oui, forcément.
- SOCRATE
Mais pour ces deux meubles, il n'y a que deux Formes, l'une de lit, l'autre de table.
- GLAUCON
Oui.
- SOCRATE
N'avons-nous pas aussi coutume de dire que le fabricant de chacun de ces deux meubles porte ses regards sur la Forme, pour faire l'un les lits, l'autre les tables dont nous nous servons, et ainsi des autres objets ? car la Forme elle-même, aucun ouvrier ne la façonne, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Non, certes.
- SOCRATE
Mais vois maintenant quel nom tu donneras à cet ouvrier-ci.
- GLAUCON
Lequel ?
- SOCRATE
Celui qui fait tout ce que font les divers ouvriers, chacun dans son genre.
- GLAUCON
Tu parles là d'un homme habile et merveilleux.
- SOCRATE
Attends, et tu le diras bientôt avec plus de raison. Cet artisan dont je parle n'est pas seulement capable de faire toutes sortes de meubles, mais il produit encore tout ce qui pousse de la terre, il façonne tous les vivants, y compris lui-même, et outre cela il fabrique la terre, le ciel, les dieux, et tout ce qu'il y a dans le ciel, et tout ce qu'il y a sous la terre, dans l'Hadès.
- GLAUCON
Voilà un sophiste tout à fait merveilleux.
- SOCRATE
Tu ne me crois pas ? Mais dis-moi : penses-tu qu'il n'existe absolument pas d'ouvrier semblable ? ou que, d'une certaine manière on puisse créer tout cela, et que, d'une autre, on ne le puisse pas ? Mais tu ne remarques pas que tu pourrais le créer toi-même, d'une certaine façon.
- GLAUCON
Et quelle est cette façon ? demanda-t-il.
- SOCRATE
Elle n'est pas compliquée, répondis-je ; elle se pratique souvent et rapidement, très rapidement même, si tu veux prendre un miroir et le présenter de tous côtés tu feras vite le soleil et les astres du ciel, la terre, toi-même, et les autres êtres vivants, et les meubles, et les plantes, et tout ce dont nous parlions à l'instant.
- GLAUCON
Oui, mais ce seront des apparences, et non pas des réalités.
- SOCRATE
Bien, dis-je, tu en viens au point voulu par le discours ; car, parmi les artisans de ce genre, j'imagine qu'il faut compter le peintre, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Comment non?
- SOCRATE
Mais tu me diras, je pense, que ce qu'il fait n'a point de réalité ; et pourtant, d'une certaine manière, le peintre lui aussi fait un lit. Ou bien non ?
- GLAUCON
Si, répondit-il, du moins un lit apparent.