Doc:Création : Introduction
Platon
Dialogue 1
- 3mn
- SOCRATE
Il existe de nombreux lits et de nombreuses tables.
- GLAUCON
Oui, forcément.
- SOCRATE
Mais les formes relatives à ces meubles, il n'y en a que deux, une forme de lit et une forme de table.
- GLAUCON
Oui.
- SOCRATE
Or, n'avons-nous pas aussi l'habitude de dire que chacun des artisans qui fabrique ces meubles réalise l'un les lits, l'autre les tables dont nous nous servons, le regard tourné en direction de la forme, et ainsi pour tous les autres objets ? Car pour ce qu'il en est de la la Forme elle-même, sûrement aucun des artisans ne la fabrique, comment le pourrait-il en effet ?
- GLAUCON
Il ne le pourrait aucunement.
- SOCRATE
Mais vois maintenant comment tu appelles cet artisan que voici.
- GLAUCON
Lequel ?
- SOCRATE
Celui qui produit tous les objets que tous les artisans manuels font chacun pour son compte.
- GLAUCON
Tu parles là d'un homme habile et admirable !
- SOCRATE
Un instant, tu vas bientôt le déclarer encore plus admirable. Car ce même artisan manuel est non seulement en mesure de produire tous ces meubles, mais encore produit-il tous les végétaux, et il façonne tous les êtres vivants — les autres êtres aussi bien que lui-même — et en plus de cela, il fabrique la terre et le ciel, les dieux, et tout ce qui existe dans le ciel, et tout ce qui existe sous terre dans l'Hadès.
- GLAUCON
Tu parles d'un expert tout à fait admirable !
- SOCRATE
Tu es incrédule ? Mais dis-moi, considères-tu absolument impossible qu'un tel artisan puisse exister ? Ou seulement que le créateur de toutes ces choses puisse exister d'une certaine manière mais non d'une autre ? N'as-tu pas le sentiment que toi-même, tu serais en mesure de produire toutes ces choses d'une certaine manière ?
- GLAUCON
Et quelle serait cette manière ?
- SOCRATE
Il n'y a là rien de difficile et on la met en œuvre souvent et rapidement, et je dirais même très rapidement, si seulement tu consens à prendre un miroir et à le retourner de tous côtés. Très vite, tu produiras le soleil et les astres du ciel, et aussi rapidement la terre, rapidement toujours, toi-même, et les autres animaux, et les meubles et les plantes, et tout ce dont nous parlions à l'instant.
- GLAUCON
Oui, des apparences, mais certainement pas des êtres qui existent véritablement.
- SOCRATE
Excellent, et tu rejoins l'argument comme il convient. Car, au nombre de ces artisans, il faut aussi compter le peintre, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Oui, nécessairement.
- SOCRATE
Mais tu vas me dire, je pense, que ce qu'il produit n'est pas véritable et pourtant, le peintre d'une certaine manière produit lui aussi un lit, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Oui, il produit lui aussi un lit apparent.
Commentaire
Dans ce dialogue entre Socrate et Glaucon, Platon nous explique que la seule créatrice est la nature (ou Dieu, peu importe le nom qu'on lui donne). L'art ne fait que l'imiter. Or c'est de création artistique que nous devons parler tout au long de cette journée et le plus grand penseur de tous les temps nous dit que la création artistique n'existe pas. Ça commence bien.
Notons que Platon ne parle pas ici d'imagination. Il considère l'artiste comme quelqu'un qui reproduit ce qu'il voit. Accordons-lui que le peintre a souvent besoin d'un modèle et peut-être y a-t-il une part d'imitation dans toute création.
Mais écoutons Platon dans un autre dialogue
Dialogue 2
- 1 mn
- SOCRATE
L'art de la gymnastique existe en effet pour le corps, et l'art de la musique pour l'âme.
- GLAUCON
Oui, c'est cela.
- SOCRATE
Ne commencerons-nous pas d'abord à assurer cette formation par la musique plutôt que par la gymnastique?
- GLAUCON
Assurément
- SOCRATE
Admets-tu que l'art de la musique comporte des discours, ou ne l'admets-tu pas ?
- GLAUCON
Je l'admets.
- SOCRATE
Il existe, n'est-ce pas, de deux espèces de discours, l'une étant le discours vrai, l'autre le discours faux ?
- GLAUCON
Oui.
- SOCRATE
Il convient de former à l'aide des deux, mais d'abord à l'aide des discours faux.
- GLAUCON
Je ne comprends ce que tu veux dire.
- SOCRATE
Tu ne comprends pas que nous commençons par raconter des histoires aux enfants ? Ce faisant, il ne s'agit en quelque sorte, pour le dire d'un trait, que d'un discours faux, même s'il s'y trouve du vrai., Pour commencer, en effet, on a recours à des histoires à l'intention des enfants, avant même d'avoir recours aux exercices du gymnase
- GLAUCON
C'est vrai.
- SOCRATE
Voilà pourquoi je disais qu'il faut d'abord s'attacher à la musique avant la gymnastique.