Doc:Création : Introduction
Sommaire
Platon
- 7 mn
Dialogue 1
- 3mn
- SOCRATE
Il existe de nombreux lits et de nombreuses tables.
- GLAUCON
Oui, forcément.
- SOCRATE
Mais les formes relatives à ces meubles, il n'y en a que deux, une forme de lit et une forme de table.
- GLAUCON
Oui.
- SOCRATE
Or, n'avons-nous pas aussi l'habitude de dire que chacun des artisans qui fabrique ces meubles réalise l'un les lits, l'autre les tables dont nous nous servons, le regard tourné en direction de la forme, et ainsi pour tous les autres objets ? Car pour ce qu'il en est de la la Forme elle-même, sûrement aucun des artisans ne la fabrique, comment le pourrait-il en effet ?
- GLAUCON
Il ne le pourrait aucunement.
- SOCRATE
Mais vois maintenant comment tu appelles cet artisan que voici.
- GLAUCON
Lequel ?
- SOCRATE
Celui qui produit tous les objets que tous les artisans manuels font chacun pour son compte.
- GLAUCON
Tu parles là d'un homme habile et admirable !
- SOCRATE
Un instant, tu vas bientôt le déclarer encore plus admirable. Car ce même artisan manuel est non seulement en mesure de produire tous ces meubles, mais encore produit-il tous les végétaux, et il façonne tous les êtres vivants — les autres êtres aussi bien que lui-même — et en plus de cela, il fabrique la terre et le ciel, les dieux, et tout ce qui existe dans le ciel, et tout ce qui existe sous terre dans l'Hadès.
- GLAUCON
Tu parles d'un expert tout à fait admirable !
- SOCRATE
Tu es incrédule ? Mais dis-moi, considères-tu absolument impossible qu'un tel artisan puisse exister ? Ou seulement que le créateur de toutes ces choses puisse exister d'une certaine manière mais non d'une autre ? N'as-tu pas le sentiment que toi-même, tu serais en mesure de produire toutes ces choses d'une certaine manière ?
- GLAUCON
Et quelle serait cette manière ?
- SOCRATE
Il n'y a là rien de difficile et on la met en œuvre souvent et rapidement, et je dirais même très rapidement, si seulement tu consens à prendre un miroir et à le retourner de tous côtés. Très vite, tu produiras le soleil et les astres du ciel, et aussi rapidement la terre, rapidement toujours, toi-même, et les autres animaux, et les meubles et les plantes, et tout ce dont nous parlions à l'instant.
- GLAUCON
Oui, des apparences, mais certainement pas des êtres qui existent véritablement.
- SOCRATE
Excellent, et tu rejoins l'argument comme il convient. Car, au nombre de ces artisans, il faut aussi compter le peintre, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Oui, nécessairement.
- SOCRATE
Mais tu vas me dire, je pense, que ce qu'il produit n'est pas véritable et pourtant, le peintre d'une certaine manière produit lui aussi un lit, n'est-ce pas ?
- GLAUCON
Oui, il produit lui aussi un lit apparent.
Commentaire
- 2 mn
Dans ce dialogue entre Socrate et Glaucon, Platon nous explique que la seule créatrice est la nature (ou Dieu, peu importe le nom qu'on lui donne). L'art ne fait que l'imiter. Or c'est de création artistique que nous devons parler tout au long de cette journée et le plus grand penseur de tous les temps nous dit que la création artistique n'existe pas. Ça commence bien.
Notons que Platon ne parle pas ici d'imagination. Il considère l'artiste comme quelqu'un qui reproduit ce qu'il voit. Accordons-lui que le peintre a souvent besoin d'un modèle et peut-être y a-t-il une part d'imitation dans toute création.
Mais écoutons Platon dans un autre dialogue
Dialogue 2
- 1 mn
- SOCRATE
L'art de la gymnastique existe en effet pour le corps, et l'art de la musique pour l'âme.
- GLAUCON
Oui, c'est cela.
- SOCRATE
Ne commencerons-nous pas d'abord à assurer cette formation par la musique plutôt que par la gymnastique?
- GLAUCON
Assurément
- SOCRATE
Admets-tu que l'art de la musique comporte des discours, ou ne l'admets-tu pas ?
- GLAUCON
Je l'admets.
- SOCRATE
Il existe, n'est-ce pas, de deux espèces de discours, l'une étant le discours vrai, l'autre le discours faux ?
- GLAUCON
Oui.
- SOCRATE
Il convient de former à l'aide des deux, mais d'abord à l'aide des discours faux.
- GLAUCON
Je ne comprends ce que tu veux dire.
- SOCRATE
Tu ne comprends pas que nous commençons par raconter des histoires aux enfants ? Ce faisant, il ne s'agit en quelque sorte, pour le dire d'un trait, que d'un discours faux, même s'il s'y trouve du vrai., Pour commencer, en effet, on a recours à des histoires à l'intention des enfants, avant même d'avoir recours aux exercices du gymnase.
- GLAUCON
C'est vrai.
- SOCRATE
Voilà pourquoi je disais qu'il faut d'abord s'attacher à la musique avant la gymnastique.
Commentaire
- 1 mn
Ici, le mot musique inclut plusieurs disciplines artistiques et scientifiques (je vais y revenir)
Que Platon propose d'éduquer l'âme par la musique, quand on connaît l'importance qu'il accorde à l'âme par rapport au corps, montre à quel point il ne tourne pas vraiment le dos à l'art qui nourrit l'âme.
Dans son œuvre, la musique (au sens où nous l'entendons aujourd'hui) occupe une place fondamentale. Rien d'étonnant puisqu'il est un disciple de Pythagore que l'on tient pour l'inventeur de l'harmonie.
- Voilà pourquoi j'ai inscrit dans la bibliographie
- Daniel Heller-roazen : Cinquième Marteau. Pythagore et la dysharmonie du monde (Seuil [La librairie du XXIe siècle], 2014)
- Evanghélos Moutsopoulos : Musique dans l’œuvre de Platon (PUF [Dito], 1989)
Revenons à la musique au sens grec : il s'agit de toutes les disciplines parrainées par les neuf muses.
Les muses
- 3 mn c 10
Les muses posent la question de l'inspiration. La création viendrait-elle d'un ailleurs ?
De l'imagination peut-être ?
Imagination
- 4 mn c 14
Cynésios de Cyrène, au tout début du Ve siècle donne, selon moi, une excellente vision de l'imagination dans son traité Des songes.
Lecture
- 2 mn
L’âme renferme en soi les images des choses qui naissent. Elle les renferme toutes, mais elle ne les produit au dehors que dans la mesure convenable ; l’imagination est comme le miroir dans lequel se réfléchissent, pour être perçues par l’animal, les images qui ont leur siège dans l’âme. Nous n’avons pas conscience des actes de l’intelligence, tant que la raison ne nous les révèle pas ; tout ce qu’elle, ignore échappe à la connaissance de l’animal [...]. Cette vie imaginative est une vie inférieure, un état particulier de notre nature. Elle est comme pourvue de sens : en effet nous voyons des couleurs, nous entendons des sons, nous touchons, nous saisissons des objets, quoique nos organes corporels restent inactifs ; peut-être même alors nos perceptions sont-elles plus pures. C’est ainsi que souvent nous entrons en conversation avec les dieux: ils nous avertissent, ils nous répondent, et nous donnent d’utiles conseils. Aussi que l’on ait dû quelquefois au sommeil la découverte d’un trésor, je n’en suis pas étonné ; que l’on se soit endormi ignorant, et qu’après avoir eu en songe un entretien avec les Muses on se soit réveillé poète habile, comme cela est, arrivé de notre temps à quelques-uns, je ne vois là rien de si surprenant. Je ne parle point de ceux qui ont eu, en dormant, la révélation du danger qui les menaçait, ou la connaissance du remède qui devait les guérir. Quand l’âme, même sans avoir tenté de prendre son élan vers l’intelligence, entre, grâce au sommeil, en possession d’une science qu’elle n’avait point recherchée, n’est-ce pas une chose des plus merveilleuses que de s’élever au-dessus de la nature et de se rapprocher de l’intelligible, après en avoir été si éloigné que l’on ne sait même plus d’où l’on vient ? (§5)
Commentaire
- 2 mn
Dans ce premier schéma, on voit que les objets constitués de carrés rouges vont pouvoir s'emboîter les uns dans les autres car ils ont des formes identiques.
Par contre, il devient impossible d'emboîter l'objet bleu dans l'objet rouge.
Dans le second schéma, on introduit un troisième objet violet dont une face s'emboîtera dans l'objet rouge, l'autre dans l'objet bleu. Ce troisième objet est une interface.
Tout ce qui est conscient n'est pas inconscient. Tout ce qui est inconscient n'est pas conscient. Ce truisme souligne le fait que le conscient et l'inconscient ne peuvent communiquer entre eux. Il faut introduire une troisième entité pour envisager une telle communication. Cynésios nous explique que c'est l'imagination.
Suivant ce point de vue, l'imagination peut se définir comme une interface entre conscient et inconscient, elle capte des éléments de l'inconscient et les porte à la conscience.
Hegel
- → Résumé pédagogique de l'Esthétique (sur le site les-philosophes.fr
Lecture
Passages extraits de → Esthétique Tome I
On doit se garder de confondre l’imagination (Phantasie) avec la capacitépurement passive de percevoir et de se rappeler les images (Einbildungskraft).L’imagination est créatrice. (p.83)
Dans ce travailintellectuel qui consiste à façonner et à fondre ensemble l’élément rationnel etla forme sensible,l’artiste doit appeler à son aide à la fois une raison active et Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, tome premier (1835, posth.)85fortement éveillée et une sensibilité vive et profonde. C’est donc une erreurgrossière de croire que des poèmes comme ceux d’Homère se sont forméscomme un rêve pendant le sommeil du poète. Sans la réflexion qui saitdistinguer, séparer, faire un choix, l’artiste est incapable de maîtriser le sujetqu’il veut mettre en œuvre, et il est ridicule de s’imaginer que le véritableartiste ne sait pas ce qu’il fait. En outre, il doit avoir fait subir à ses sentimentsune forte concentration. (p.85)
La vraie inspiration s’allume donc sur un sujet déterminé quel’imagination saisit pour l’exprimer sous une forme artistique, et elle constituela situation même de l’artiste pendant le travail combiné de la pensée et del’exécution matérielle ; car l’inspiration est également nécessaire pour cesdeux sortes d’activités. (p.85)
Dans la vie ordinaire, on a coutume, il est vrai, de parler des belles couleurs, d’un beau ciel, d’un beau fleuve, ou de belles fleurs, de beaux animaux et encore plus de beaux hommes. Nous ne voulons nullementcontester que la qualité de beauté ne soit à bon droit attribuée à de tels objets, et qu’engénéral le beau dans la nature ne puisse être mis en parallèle avec le beau artistique ; maisil est déjà permis de soutenir que le beau dans l’art est plus élevé que le beau dans lanature. N’est-il pas en effet né, et deux fois né de l’esprit ?Or, autant l’esprit et sescréations sont plus élevés que la nature et ses productions, autant la beauté dans l’art estplus élevée que la beauté dans la nature. Même extérieurement parlant, une mauvaisefantaisie comme il en passe par la tête humaine est plus élevée que n’importe quelleproduction naturelle, car dans cette fantaisie sont toujours présentes l’esprit et la liberté. (p.16)
L’art et ses œuvres, comme création de l’esprit, sont eux-mêmes d’une nature spirituelle. Sous ce rapport, l’art est bien plus près de l’esprit que la nature. (p.21)
L’art étant reconnu comme une création de l’esprit, on peut se demanderquel besoin l’homme a de produire des œuvres d’art. Ce besoin est-ilaccidentel ? est-ce un caprice et une fantaisie, ou bien un penchantfondamental de notre nature ? (p.25)
En outre tous les arts ont un côté technique qui ne s’apprend que par le travail et l’habitude. L’artiste a besoin, pour n’être pas arrêté dans ses créations, de cette habileté qui le rend maître et le fait disposer à son gré des matériaux de l’art. (p.23)
Un dernier point relatif à la forme extérieure de l’idéal est celui quiconcerne le rapport des œuvres d’art avec le public, c’est-à-dire avec la nationet l’époque pour lesquelles l’artiste ou le poète composent leurs ouvrages.L’artiste doit-il, quand il traite un sujet, consulter avant tout l’esprit, le goût,les mœurs du public auquel il s’adresse, et se conformer à ses idées ?</br>
Le vrai, ici, comme toujours, est entre les deux extrêmes. Il faut maintenirà la fois les droits de l’art et ceux du public, garder les ménagements qui sontdus à l’esprit de l’époque et satisfaire aux exigences du sujet que l’on traite.Voici les règles principales sur ce point délicat. (p.80)
Autres
- 5 mn