RM19 talk:Chapitre 13

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mode vêtements Non-polluants, super-résistants, intelligents : à quoi ressembleront vraiment les vêtements du futur ? Par Marine Benoit le 08.01.2020 à 09h44, mis à jour le 14.01.2020 à 12h10 Lecture 10 min. En ce début 2020, Sciences et Avenir passe en revue les différentes pistes explorées par l’industrie textile et par les chercheurs qui œuvrent à faire de nos vêtements plus que de simples morceaux de tissus. En partenariat avec RTL et l'émission La Curiosité est un vilain défaut. Il est toujours amusant de constater rétrospectivement à quel point l’on a pu faire fausse route au moment d’imaginer de quoi allait être fait l’avenir. Voitures volantes, téléportation, conquête de Mars… En ce 21e siècle déjà bien entamé, nous sommes bien forcés d’admettre qu’aucune de ces prouesses technologiques n’a été accomplie. Le domaine du prêt-à-porter, propices aux plus brillantes élucubrations, n’échappe donc pas à la règle. Si les artistes rétro-futuristes des années 1960 et 1970 voyaient les hommes et les femmes du troisième millénaire se promener dans des combinaisons moulantes qu’un personnage de Star Trek n’aurait pas reniées, la révolution textile du 20e siècle fut, bien plus qu’une affaire de coupe, une affaire de fibres. Dans les années 1950, l’essor de la pétrochimie faisait ainsi naître un type de fibres synthétiques qui allait progressivement s’imposer dans les usines occidentales, au point d’en faire aujourd’hui à la matière textile la plus produite au monde : le polyester. Il faut croire que les erreurs se répètent. Pas plus tard qu’au cours de cette décennie 2010 qui s’achève, start-up et experts en tendance ont été nombreux à nous assurer que tous nos vêtements, du sweat à la simple chaussette, allaient devenir de vrais "objets connectés". Nous voilà donc en 2020, forcés d’admettre que ces derniers s’étaient trompés. Dans les boutiques, pas ou peu de traces de pulls équipés d’écrans diffusant des messages (ce qui est, avouons-le, une excellente nouvelle), ni de pantalons agrémentés le plus naturellement du monde d’un GPS ou d’une puce NFC. "Je ne vais pas porter un sac-à-dos pour alimenter mon t-shirt ! commente dans un entretien à Sciences et Avenir la chercheuse et designer Claire Eliot. Il y a un problème de disponibilité des nouveaux matériaux, de leurs apports en énergie". Malgré de rares exemples (comme la doudoune chauffante de Ralph Lauren, dont la température se règle avec leur appli RL Heat) le temps des vêtements connectés n'est pas encore venu. N'allez pas croire pour autant que les tissus du futur n'ont pas de potentiel. Il suffit de jeter un œil à ce qu’il se trame dans les laboratoires pour comprendre que la véritable innovation textile de notre siècle, ou du moins de sa première moitié, se fera une fois de plus au niveau des matières premières. Des matières plus durables Il faut d’abord distinguer la simple tenue du quotidien de la combinaison ou de l’uniforme technique, bien que dans ces deux domaines, les progrès devraient être tout aussi nombreux. Prenons d’abord le prêt-à-porter. À l’heure actuelle, on l’a dit, la fibre la plus exploitée dans le monde est le polyester, que l’on retrouve souvent mélangée à de la laine ou du coton. S’il a l’avantage d’être résistant et malléable à l’envi, le polyester découle directement d’une forme de production plastique polluante. Le coton, au second rang des fibres les plus utilisées, est aussi bien loin d’être écologique malgré son origine végétale : la production de 1 kg de fibres de coton requiert l’utilisation de 6.000 à 27.000 litres d’eau, selon des chiffres du Water Footprint Network. Et ce n’est pas tout : les champs de coton occupent 2,5 % des surfaces cultivées mondiales et engloutissent 25 % des insecticides et 10 % des herbicides, selon l’Organisation Mondiale de la Santé. À l’heure où la planète se réchauffe à vitesse grand V, les chercheurs s’efforcent donc de trouver des alternatives plus propres à ces matières textiles polluantes trop aimées des êtres humains. Il en existe déjà un certain nombre : parmi les plus prometteuses, on trouve les fibres de lait, qui peuvent être produites à partir du surplus de production ou du lait périmé. Plusieurs marques commencent à les exploiter, pour un résultat s’approchant de la soie. Tout aussi surprenantes, les fibres d’ananas, ou Pinatex, qui pourraient s’imposer un jour comme un véritable remplaçant au cuir animal. Se développe également de plus en plus les fibres d’algues couplées à la cellulose, douce et difficilement froissable, et depuis plus d’une décennie déjà, les fibres d’eucalyptus ou Lyocell, faites à partir de bois issus de plantations certifiées. Apparue plus récemment, la laine de coco, ou Nullarbor, se veut encore plus durable, car fabriquée à partir de la fermentation de déchets de noix de coco liquides mises en cultures avec des bactéries. Des technologies revues et corrigées Outre leur matière première, ce sont parfois les propriétés mêmes des textiles qui leur confèrent leur caractère durable. Ainsi, certaines fibres sont travaillées avec des nanomatériaux pour devenir antibactériennes, et donc être lavées moins souvent. Si les nanoparticules d’or et d’argent ou encore l’oxyde de graphène, intégrés à des fibres classiques, ont prouvé leur efficacité en la matière, leur impact sanitaire et environnemental comme leur coût élevé n’en font pas des solutions viables. Les nanomatériaux à base de polymères, moins chers et plus verts, ont également des vertus antibactériennes, mais sur un temps limité, en raison de leur fâcheuse tendance à emprisonner les bactéries dans la fibre avec le temps. Ainsi, des chercheurs du College of Textiles et de l’Institut du textile de l’Université Donghua ont cherché – et peut-être fini par trouver –, la "bonne recette" d’un textile antibactérien : les nanogels durables à base de guanidine. Greffés dans du coton ou d’autres fibres naturelles, ces derniers ont la capacité de perturber la membrane cellulaire bactérienne tout en restant efficaces après une cinquantaine de lavages.

Une nanoparticule grossie au microscope rentrant dans la composition des nanomatériaux (Crédit : Anses). Pour moins laver un textile, il faut aussi pouvoir moins le tâcher. "Aujourd’hui, on cherche à développer des traitements moins toxiques pour atteindre certains niveaux de déperlance (la propriété, pour un textile, de limiter la pénétration de l’eau et des corps gras à un certain point, NDLR), d’autant que les normes européennes deviennent plus sévères", explique Isabelle Ferreira, à la direction scientifique de l’Institut français du textile et l’habillement (IFTH). Encore aujourd’hui, les résines à base d'urée-formol ou les composés perfluorés, que l’on sait nocifs pour l’Homme et l'environnement, sont couramment employés dans le traitement de tissus, notamment pour leur permettre de moins se froisser, leur donner une stabilité ou faciliter leur entretien. "À l’IFTH, nous avons pris part au projet NOFORMOL, financé par la DGE, la région AURA, la région Pays de Loire et l'Union européenne, dont l’objectif est de développer de nouvelles chimies pour supprimer le formol des procédés de finition. En ce moment, la recherche textile travaille donc en partie à l’élaboration de procédés plus respectueux de la planète et du consommateur", poursuit la chercheuse. De physique et de la chimie pour des "supertextiles" En matière d’équipement, sportif ou professionnel, les enjeux, bien évidemment, sont tout autres. Ingénieurs et chimistes travaillent ainsi continuellement à la mise au point de nouveaux "super-matériaux" capables de résister à tous types d’épreuves : températures extrêmes, chocs, abrasions, ou même simple usure de temps… Ils interviennent alors directement au niveau de la structure moléculaire de la matière. Mi-novembre 2019, des chercheurs australiens présentaient par exemple un matériau conçu spécialement pour limiter la perte de sang en cas de morsure de requin. Adapté à une combinaison de plongée ou de surf, il pourrait à terme sauver les quelques vies envolées chaque année dans des attaques de squale. De la même façon, l’armalith, une matière textile récemment créée dans le cadre de la recherche aérospatiale, montre une résistance inédite aux frottements : sur une glissade à 30 km/h, celle-ci met plus de 7 secondes, soit 54 mètres de dérapage, avant de se trouer. Déjà commercialisée dans des jeans où elle est intégrée aux fibres de coton, l’armalith a évidemment pour cibles les conducteurs de deux-roues ou les sportifs de l’extrême.

Toujours en Australie, "un pays très actif sur la recherche textile pour la protection solaire" selon Isabelle Ferreira, des maillots de bain changeant de couleur en cas d’exposition prolongée au Soleil sont déjà commercialisés. "Le changement de couleur fait office de signal d’alerte : il est temps de se mettre à l’ombre ou de remettre de la crème. En France, il y a aussi des recherches en cours sur des textiles dont la couleur changerait cette fois sous l’effet d’un stress mécanique. Trop étirée, et donc fragilisée, la teinte de la fibre ferait office d’indicateur d’usure." Une particularité qui pourrait venir renforcer le niveau de sécurité sur des équipements destinés à supporter du poids, comme des sangles, des filets...

Une "côte de maille" conçue par le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. Présenté en 2017, ce textile de l'espace pourrait servir à isoler plus efficacement les combinaisons des astronautes (Crédit : Nasa/Caltech). Destinés au secteur militaire, des textiles "auto-décontaminants" face à des agents chimiques de guerre ont été mis au point en France ces dernières années dans le cadre du projet ANR TEX-épur, notamment avec l’aide financière de la Direction générale de l’Armement (DGA). Grâce à des propriétés photocatalytiques, d’adsorption et de filtration, ce type d’étoffe née de complexes manipulations chimiques permettrait de neutraliser les gaz toxiques en cas d’attaque. "Un tissu sophistiqué avant tout destiné aux primo-intervenants dans des zones de conflit", précise Isabelle Ferreira. Un autre matériau, s'il était adapté à un équipement militaire, a de quoi faire fantasmer : Quantum Stealth, sorte de "cape d'invisibilité" rigide qui a la capacité de faire disparaître toute personne ou objet placé derrière. Dans le secteur médical, les perspectives sont tout aussi excitantes. En pour cause : les textiles médicaux obtenus par électrofilage (ou electrospinning), une méthode de production de fibres d'à peine quelques centaines de nanomètres, ouvre le champ des possibles en matière de reconstruction osseuse ou tissulaire. "En partant du principe qu'on peut y faire croître des cellules, on peut aller jusqu'à imaginer cultiver des greffons sur ces textiles", projette Isabelle Ferreira. Exit les vêtements connectés, place aux vêtements "augmentés" Reste une dernière grande catégorie de textiles aux multiples promesses, que l’on serait tentés de qualifier d’"augmentés" pour leur étroit lien avec les nouvelles technologies. Attention, rien à voir avec les t-shirts à message équipés de LED que l’on citait plus haut. Nous parlons ici de vêtements qui pourraient un jour nous guider, nous alerter ou même nous soigner. Bref, de vêtements "intelligents" dotés d’un rôle précis. Certains, comme ceux exploitant continuellement l’énergie solaire grâce à de petits panneaux flexibles intégrés, ou même l’énergie directement produite par le corps humain, existent déjà. Reliés à nos smartphones ou encore à nos vélos électriques, ils pourraient, une fois perfectionnés, remplacer un jour nos innombrables chargeurs. D’autres ne sont encore qu’au stade expérimental. C’est le cas de certains vêtements, et notamment de chaussures, équipés de capteurs d’évaluation des distances. "Destiné aux personnes âgées ou mal voyantes, ils leur permettraient de mieux anticiper leurs déplacements en appartement ou en ville ou encore d’éviter certains obstacles", complète l’experte. "Plus futuriste encore, des textiles équipés de capteurs cardiaques qui pourraient être directement adaptés sur du mobilier, comme un fauteuil ou un canapé. Mais là, il s’agit vraiment de concepts dont les premiers travaux sont en cours dans le projet européen MATUROLIFE, et dont l’IFTH est partenaire." Plus aboutis, les équipements de pompiers munis de capteurs thermiques, comme ceux conçus dès la fin des années 2010 par un consortium européen de 23 partenaires dans le cadre du programme de recherche ProeTEX. Vestes, t-shirts et bottes peuvent ainsi mesurer la température du corps et celle régnant à l’extérieur pour limiter le risque de crises cardiaque ou d’intoxications sur un lieu d’invention. De son côté, la société américaine SensorUp a mis au point des vêtements capables de mesurer la qualité de l’air que les secouristes respirent.