Doc:Psyché et Éros : Analyse 4

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Analyse 3

Première épreuve : trier les graines de végétaux

Afin d'essayer son savoir faire, Vénus charge Psyché de trier des graines de divers végétaux. Psyché réussit l'épreuve, exécutée en réalité par les fourmis.

Ensuite elle se fait apporter du froment, de l'orge, du millet, de la graine de pavots, des pois, des lentilles et des fèves. Elle mêle et confond le tout, et s'adressant à sa victime : (2) Une servante, une créature si disgraciée doit être une habile personne pour avoir su se faire si bien venir. Eh bien ! je veux essayer ton savoir faire. (3) Tu vois cet amas de graines confondues ? tu vas me trier tout, séparer chaque espèce, et en faire autant de tas. Je te donne jusqu'à ce soir pour m'expédier cette tâche. (4) Et, après lui avoir taillé cette belle besogne, la déesse sort pour se rendre à un repas de noces.

Nouvelle aide de la (sur)nature

Psyché ne songe pas même à mettre la main à ce chaos inextricable. Elle reste immobile et stupéfaite d'une exigence aussi extravagante. (5) Alors la fourmi, chétive habitante des champs, qui pouvait si bien apprécier la difficulté d'une semblable tâche, prend en pitié l'épouse d'un dieu, qu'elle y voit impitoyablement condamnée. Tout indignée de cet acte de marâtre, elle court convoquer le ban des fourmis de son quartier. (6) Soyez compatissantes, filles alertes de la terre; vite au travail ! une femme aimable, l'épouse de l'Amour, a besoin de vos bons offices. (7) Aussitôt la gent aux mille pieds de se ruer, de se trémousser par myriades. En un clin d'oeil tout cet amas confus est divisé, classé par espèces, distribué en autant de tas distincts; et zeste, tous les travailleurs ont disparu.

(VI, 11, 1) Vers le soir, Vénus revient de la fête, échauffée par les rasades, arrosée de parfums et couverte de guirlandes de roses. Elle voit avec quel soin merveilleux la tâche a été remplie : (2) Ce n'est pas toi, coquine, cria-t-elle, qui as fait cette besogne. J'y reconnais la main de celui à qui tu as trop plu, pour ton malheur et pour le sien. Là-dessus, elle jette à Psyché un morceau de pain, et va se mettre au lit.

Psyché et Éros séparés sous le même toit

(3) Cependant Cupidon, confiné au fond du palais, y subissait une réclusion sévère. On craint qu'il n'aggrave sa blessure par son agitation turbulente : surtout, on veut le séquestrer de celle qu'il aime. Ainsi séparés, bien que sous le même toit, les deux amants passèrent une nuit cruelle.

Deuxième épreuve : la toison dorée

Vénus envoie Psyché chercher de la laine dorée de brebis enragées. Grâce aux conseils d'un roseau, Psyché s'acquitte de cette nouvelle tâche avec succès.

(4) Le char de l'Aurore se montrait à peine, que Vénus fit venir Psyché, et lui dit : Vois-tu ce bois bordé dans toute sa longueur par une rivière (5) dont les eaux sont déjà profondes, bien qu'encore voisines de leur source ? Un brillant troupeau de brebis à la toison dorée y paît, sans gardien, à l'aventure: il me faut à l'instant un flocon de leur laine précieuse. Va, et fais en sorte de me le rapporter sans délai.

Nouvelle aide de la (sur)nature

(VI, 12, 1) Psyché court, vole; non pour accomplir l'ordre de la déesse, mais pour mettre un terme à ses maux dans les eaux du fleuve. Or, voici que, de son lit même, un vert roseau, doux organe d'harmonie, inspiré tout à coup par le vent qui l'agite et qui murmure, se met à prophétiser en ces termes : (2) Pauvre Psyché, déjà si rudement éprouvée, garde-toi de souiller par ta mort la sainteté de mes ondes, et n'approche pas du formidable troupeau qui paît sur ce rivage. (3) Tant que le soleil de midi darde ses rayons, ces brebis sont possédées d'une espèce de rage. Tout mortel alors doit redouter les blessures de leurs cornes acérées, le choc de leur front de pierre, et la morsure de leurs dents venimeuses; (4) mais une fois que le méridien aura tempéré l'ardeur de l'astre du jour, que les brises de la rivière auront rafraîchi le sang de ces furieux animaux, tu pourras sans crainte gagner ce haut platane nourri des mêmes eaux que moi, et trouver sous son feuillage un sûr abri. (5) Alors tu n'auras, pour te procurer de la laine d'or, qu'à secouer les branches des arbres voisins, où elle s'attache par flocons. (VI, 13, 1) Ainsi le bon roseau faisait entendre à Psyché de salutaires conseils. Elle y prêta une oreille attentive, et n'eut pas lieu de s'en repentir; car, en suivant ses instructions, elle eut bientôt fait sa collecte furtive, et retourna vers Vénus, le sein rempli de cet or amolli en toison.

(2) Psyché ne se vit pas mieux accueillie après le succès de cette seconde épreuve. Vénus, fronçant le sourcil, dit avec un sourire amer : (3) Toujours la même protection frauduleuse ! Mais je vais faire un essai décisif de ce courage si ferme et de cette conduite si prudente.

Troisième épreuve : eau de la source Styx

Psyché doit maintenant rapporter de l'eau de la source du Styx. Un aigle va remplir pour elle le flacon en ce lieu inaccessible à l'homme.

(4) Vois-tu ce rocher qui se dresse au sommet de cette montagne escarpée ? Là jaillit une source dont les eaux noirâtres, recueillies d'abord dans le creux d'un vallon voisin, se répandent ensuite dans les marais du Styx, et vont grossir les rauques ondes du Cocyte. (5) Tu iras au jet même de la source puiser de son onde glaciale, et tu me la rapporteras dans cette petite bouteille. Elle dit, et lui remet un flacon de cristal poli, en accompagnant l'injonction des plus terribles menaces.

(VI, 14, 1) Psyché hâte le pas pour gagner le sommet du mont, croyant bien cette fois y trouver le terme de sa misérable existence. Arrivée au haut, elle voit toute l'étendue et la mortelle difficulté de sa tâche, et quels périls il lui faut surmonter. (2) En effet, le rocher s'élevait à une hauteur effroyable, et c'était à travers ses flancs abrupts, d'un escarpement inaccessible, que l'onde formidable trouvait passage. Elle s'échappait par une foule de crevasses, (3) d'où elle glissait perpendiculairement, et s'encaissait ensuite dans une rigole étroite et profonde, qui la conduisait inaperçue jusqu'au fond du vallon. (4) Du creux des rocs qui enfermaient ses deux rives, on voyait s'allonger de droite et de gauche d'affreuses têtes de dragons aux paupières immobiles, aux yeux constamment ouverts; gardiens terribles et qui ne s'endorment ni ne se laissent gagner. (5) De plus, ces eaux étaient parlantes et savaient se défendre elles-mêmes : Arrière ! Que fais-tu ? où vas-tu? Prends garde ! fuis ! Tu mourras! Tels étaient les avertissements qu'elles ne cessaient de faire entendre. (6) Psyché resta pétrifiée en voyant l'impossibilité de sa tâche. Présente de corps, elle est absente par ses sens.

Nouvelle aide de la (sur)nature

(VI, 15, 1) Accablée par la conscience de son danger, elle n'a pas même la triste ressource des larmes; mais une providence tutélaire veillait sur cette âme innocente. Le royal oiseau de Jupiter, l'aigle aux serres ravissantes, parut tout à coup, déployant ses grandes ailes. (2) Il n'a pas oublié combien il fit autrefois sa cour au souverain des dieux par le rapt de ce jeune Phrygien qui lui sert à boire, et que ce fut Cupidon lui-même qui l'inspira. Des hauteurs de l'Olympe, il vient offrir bien à propos son assistance, jaloux de se rendre agréable au mari en secourant sa jeune épouse. Le voilà donc qui voltige autour de Psyché, et lui dit : (3) Eh quoi ! pauvre innocente, croyez-vous que vos mains novices puissent dérober une seule goutte de l'eau de cette fontaine ? Vous flattez-vous d'approcher seulement de ses bords sacrés et terribles ? (4) Ne savez-vous pas que les dieux, que Jupiter lui-même, ne les nomment qu'en tremblant ? qu'ils jurent par la majesté du Styx, comme vous autres mortels vous jurez par la puissance des dieux ? (5) Mais confiez-moi ce flacon. Il dit, s'en empare, et ne tarde pas à le rapporter plein, passant et repassant, majestueusement soutenu par le balancement de ses puissantes ailes, entre ces deux rangs de gueules béantes, qui ne peuvent que montrer leurs dents terribles et darder sans effet leur triple langue. (6) L'onde s'irrite, et lui crie : Loin d'ici, sacrilège ! Mais il disait : C'est par l'ordre de Vénus; et ce mensonge adroit lui servit aussi de passeport.

(VI, 16, 1) Psyché reçoit avec joie le flacon si heureusement rempli, et le rapporte en toute hâte à Vénus; mais rien n'apaise l'implacable déesse.

(2) Avec un sourire sinistre, et qui présage de nouvelles et plus périlleuses exigences, elle l'apostrophe en ces mots : il faut que tu sois magicienne, et magicienne des plus expertes, pour avoir mis si lestement de telles commissions à fin;

chap. 19. Quatrième épreuve : descente aux enfers

Vénus confie à Psyché la mission d'aller aux enfers demander pour elle un peu de beauté à Proserpine. Cette dernière devra la remettre dans une boîte confiée par la déesse. À nouveau, Psyché reçoit les instructions précises, de la part d'une voix venue d'une tour cette fois, qui lui permettront de réaliser cet exploit en échappant aux multiples pièges tendus en chemin.

(3) mais voici, ma poulette, ce qu'il te faut encore faire pour moi. Prends cette boîte (elle lui en remit une au même instant), et va de ce pas aux enfers, au sombre ménage de Pluton. (4) Tu présenteras la boîte à Proserpine, et tu lui diras : Vénus demande un peu de votre beauté, ce qu'il en faut pour un jour seulement; (5) car toute sa provision s'est épuisée par la consommation qu'elle en a faite en servant de garde-malade à son fils. Va, et ne tarde pas à retourner; car je veux m'en servir avant de paraître au théâtre de l'Olympe.

(VI, 17, 1) Psyché crut recevoir le coup de grâce. Cette fois l'ordre était clair : c'était tout simplement l'envoyer à la mort. Comment en douter ? On voulait que d'elle-même elle descendît au Tartare et visitât les Mânes. (2) Sans plus tarder, elle court vers une tour élevée, avec l'intention de se précipiter du sommet. C'était, suivant elle, le meilleur et le plus court chemin pour aller aux enfers;

Nouvelle aide de la nature

(3) mais de la tour s'échappe tout à coup une voix : Quelle est, pauvre enfant, cette idée de se jeter ainsi la tête la première ? Pourquoi reculer devant cette épreuve et vous sacrifier sans but ? (4) Votre âme une fois séparée du corps ira bien en effet au fond du Tartare, mais pour n'en plus revenir. Écoutez-moi :

(VI, 18, 1) « Lacédémone, cette noble cité de l'Achaïe, n'est pas loin; elle touche au Ténare, où l'on n'arrive que par des sentiers peu connus; (2) c'est un soupirail du sombre séjour de Pluton. Osez vous engager dans sa bouche béante : devant vous s'ouvrira une route où nul pas n'a laissé sa trace, et qui va vous conduire en ligne directe au palais de l'Orcus; (3) mais il ne faut pas s'aventurer dans ces ténèbres les mains vides. Ayez à chaque main un gâteau de farine d'orge pétri avec du miel, et à la bouche deux petites pièces de monnaie. (4) Vers la moitié du chemin infernal, vous rencontrerez un âne boiteux, chargé de fagots. L'ânier, boiteux aussi, vous demandera de lui ramasser quelques brins de bois tombés de sa charge; passez outre, et ne répondez mot. (5) Bientôt vous arriverez au fleuve de l'Érèbe. Charon est là, exigeant son péage; car ce n'est qu'à prix d'argent qu'il passe les arrivants sur l'autre rive. Ainsi l'avarice vit encore chez les morts ! (6) Ni Charon, ni Pluton même, ce dieu si grand, ne font rien pour rien. Le pauvre en mourant doit se mettre en fonds pour le voyage : nul n'a droit de rendre l'âme que l'argent à la main. (7) Vous donnerez à ce hideux vieillard, à titre de péage, une de vos deux pièces de monnaie. Il faut qu'il la prenne de sa main à votre bouche. (8) En traversant cette onde stagnante, vous verrez flotter le corps d'un vieillard, qui vous tendra ses mains cadavéreuses, vous priant de le tirer à vous dans la barque. La compassion ne vous est pas permise; n'en faites rien.

(VI, 19, 1) Le fleuve franchi, vous rencontrerez à quelques pas de vieilles femmes occupées à faire de la toile, et qui vous demanderont d'y mettre la main : ne vous avisez pas d'y toucher, autant de pièges tendus par Vénus, et elle vous en réserve bien d'autres pour vous amener à vous dessaisir de l'un au moins de vos gâteaux : (2) n'en croyez pas la perte indifférente, il vous en coûterait la vie. (3) Un énorme chien à trois têtes, monstre formidable, épouvantable, sans cesse aboyant aux mânes qu'il effraye sans leur pouvoir faire d'autre mal, jour et nuit fait sentinelle au noir vestibule de Proserpine; c'est le gardien du manoir infernal. (4) Vous le ferez taire aisément en lui jetant un de vos gâteaux, et vous passerez outre. Vous pénétrerez ainsi jusqu'à Proserpine, qui vous fera le plus aimable accueil, vous engagera à vous asseoir et à prendre part à un somptueux festin; (5) mais ne vous asseyez que par terre, et n'acceptez d'autre aliment que du pain noir. Vous exposerez ensuite l'objet de votre mission, et vous prendrez ce qu'elle vous donnera. Cela fait, retournez sur vos pas. (6) Vous vous rachèterez encore de la gueule du chien au prix de votre second gâteau. Vous repasserez le fleuve, en livrant à l'avare nautonier votre autre pièce de monnaie; vous reprendrez le chemin que vous aurez suivi en venant, et vous reverrez ainsi la voûte céleste: (7) mais, sur toutes choses, ne vous avisez pas d'ouvrir la boite qui vous aura été confiée, et de porter les yeux sur ce qu'elle renferme. Point de regard curieux sur ce trésor secret de la beauté divine. »

(VI, 20, 1) Ainsi parla cette tour prévoyante en véritable oracle. Psyché dirige aussitôt ses pas vers le Ténare. Munie de ses deux oboles et de ses deux gâteaux, elle descend rapidement le sentier souterrain; (2) passe, sans mot dire, devant l'ânier boiteux; donne le péage au nocher, reste sourde aux instances du mort qui surnage; ne tient compte de l'appel insidieux des tisseuses; et, après avoir endormi, en lui abandonnant son gâteau, la rage du gardien infernal, elle pénètre dans la demeure de Proserpine. (3) En vain son hôtesse lui offre un siège douillet, des mets délicats; elle persiste à s'asseoir à ses pieds sur la terre, et à n'accepter qu'un morceau de pain grossier. C'est en cette posture qu'elle s'acquitte du message de Vénus.

(4) La boîte au contenu mystérieux lui est remise hermétiquement close; et, après avoir de nouveau fermé la gueule de l'aboyeur avec le second gâteau, désintéressé le nocher avec la seconde obole, elle quitte les enfers plus gaillardement qu'elle n'y était descendue, (5) et elle revoit et adore la blanche lumière des cieux; mais, tout empressée qu'elle est de terminer sa mission, une curiosité téméraire s'empare de son esprit.

La boîte de la beauté

Une cinquième épreuve attend Psyché qui n'est pas annoncée comme telle et pour laquelle elle ne reçoit ni aide ni conseil : la tentation d'ouvrir la boîte qu'elle rapporte des enfers, censée contenir un peu de beauté dont elle aurait bien besoin. Céder à cette envie lui est fatal.

(6) En vérité, se dit-elle, je serais bien simple, moi qui porte la beauté des déesses, de n'en pas retenir un peu pour mon usage, quand ce serait peut-être le moyen de ramener le charmant objet que j'adore.

Psyché ouvre la boîte

(VI, 21, 1) En disant ces mots, elle ouvre la boîte. De beauté point; objet quelconque ne s'y montre : mais à peine le couvercle est-il soulevé, qu'une vapeur léthargique, enfant de l'Érèbe, s'empare des sens de Psyché, se répand comme un voile épais sur tous ses membres, et la terrasse au milieu du chemin, (2) où elle reste étendue dans l'immobilité du sommeil ou plutôt de la mort.


Suite

Analyse 5

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