Doc:Feu (élément)
L’élément feu suivant Bachelard
Gaston Bachelard étudie « l’imagination de la matière » à travers quatre ouvrages dont chacun est consacré à un des quatre éléments.
Les âmes qui rêvent sous le signe du feu, sous le signe de l’eau, sous le signe de l’air, sous le signe de la terre se révèlent comme bien différentes.[1]
Le feu est traité à travers trois livres :
- → La psychanalyse du feu (Gaston Bachelard) (éd. Gallimard, Folio Essais, 1985) (1ère publication : 1938).
- → La flamme d’une chandelle (PUF, 2015) (1ère publication : 1961).
- → Fragments d'une poétique du feu (Gaston Bachelard) (PUF, 1988) (posthume, édité par Suzanne Bachelard).
J’aimerais mieux, je crois, manquer une leçon de philosophie que manquer mon feu du matin.
dit Bachelard (1, p.25), annonçant ainsi une certaine subjectivité dans son approche du feu, pourtant suffisamment complète pour toucher à l’universalité. Il le voit comme l’unique phénomène
qui puisse recevoir aussi nettement les deux valorisations contraires : le bien et le mal.Il brille au Paradis. Il brûle en Enfer. Il est douceur et torture. Il est cuisine et apocalypse. [etc.] (1, p.23)
Retenons :
En renvoyant au bien comme au mal, le feu symbolise la totalité inséparable à l’instar d’une pièce de monnaie dont le pile et le face restent éternellement solidaires.
Prométhée, à la fois voleur (du point de vue des dieux) et donneur (du point de vue des humains) du feu, inspire à Bachelard de nommer complexe de Prométhée la transgression de cette interdiction de toucher au feu. (1, p.29)
Le feu provoque la rêverie qui incite au renouvellement passant, à l’instar d’Empédocle, par une destruction (tel le papillon, qui nous renvoie à la psyché, se jetant dans la flamme — 2, p.50). Ce choix du complexe d’Empédocle va plus loin, il nous prouve que
la contemplation du feu nous ramène aux origines mêmes de la pensée philosophique. (1, p.42)
On songe ici au Phénix (mort et renaissance) même si Bachelard ne l’évoquera que plus tard (2, p.68).
Le complexe de Novalis nous amène au frottement qui produit le feu dont l’évidence sexuelle ne peut nous échapper, « en particulier, le feu électrique ».
Cette impulsion vers le feu provoqué par le frottement [...] reconstituerait, dans sa primitivité exacte, la conquête préhistorique du feu[...]
La chaleur est un bien, une possession. Il faut la garder jalousement et n’en faire don qu’à un être élu qui mérite une communion, une fusion réciproque.
[...]
Ce besoin de pénétrer, d’aller à l’intérieur des choses, à l’intérieur des êtres, est une séduction de l’intuition de la chaleur intime.
(1, p.75)
Feu mystérieux, insaisissable :
Comme le feu n’a pu révéler son mystère, on le prend comme une cause universelle : alors tout s’explique. (1, p.110)
Salamandre :
La salamandre tout en feu se dévore dans sa propre flamme. (1, p.154)
Bachelard termine La psychanalyse du feu en s’interrogeant sur ce qui en fait un symbole de pureté.
- Le feu désodorise.
- Le feu anéantit les impuretés matérielles.
- Le feu agricole détruit l’herbe inutile et enrichit la terre.
- Le feu est lumière.
À propos des impuretés (2), Bachelard reviendra, dans La flamme d’une chandelle (2, p.32), sur
l’action bienfaisante des volcans [grâce auxquels] la terre se purge de ses immondices.
À propos du feu lumière (4), notre auteur cite Novalis (1, p.180):
La lumière est le génie du phénomène igné.
dont il dit (ibid.) :
Jamais peut-être on n’a tiré autant de pensée d’un phénomène physique que Novalis quand il décrit le passage du feu intime à la lumière céleste. Des êtres qui ont vécu par la flamme d’un amour terrestre finissent dans l’exaltation de la pure lumière.
Retenons :
Le feu peut être un révélateur (connaissance de soi à travers une méditation philosophique) susceptible de provoquer un changement profond (mort et renaissance), ce qui rejoint son aspect lumière. Le feu est chaleur amoureuse, sexuelle, intime. Le feu est insaisissable. Le feu est purificateur.
On retiendra du feu particulier que représente La flamme d’une chandelle, sa verticalité comparée à la conscience (2, p.29), aux forces ascensionnelles (2,p.57), aux végétaux dressés vers le soleil (2, p.70-88). On retiendra enfin sa vivacité et son échéance fatale (elle s’éteindra comme toute vie, 2, p.25).
- Aller ↑ → La psychanalyse du feu (Gaston Bachelard) (éd. Gallimard, Folio Essais, 1985) (1ère publication : 1938)., p.154.