Doc:Les vaisseaux du temps (SB) 1. Nuit obscure

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Stephen Baxter : Vaisseaux du temps (Le Livre de Poche [SF], 2003) - - première édition : 1995

Suite de La machine à explorer le temps

Au début, Baxter suit Wells, non seulement dans les faits puisque le lecteur assiste à la scène finale de La machine..., du point de vue de « L'Explorateur » narrateur, mais aussi dans la conception de la machine capable de se déplacer physiquement dans la dimension temps de l'espace-temps. Il précise toutefois que cela nécessite de :

tordre en tous les sens les quatre dimensions de l'espace et du temps — en intervertissant, par exemple, la longueur et la durée. (p. 27)
[Baxter, comme Wells, ou leur traducteur, abuse des majuscules que je ne reproduis pas toujours dans mes citations].

Cette explication est reprise et développée p.83-84.

Plattnérite

Très vite, il se lance dans des explications scientifiques :

La plattnérite incrustée dans la substance de la machine transtemporelle était la clé de son fonctionnement ; elle permettait à ce véhicule de se placer par rotation, d'une manière inusitée, dans une nouvelle configuration à l'intérieur du cadre de l'espace et du temps. (p. 27)

Qu'est-ce que la plattnérite ?

Le minium est un mélange d’oxydes de plomb (Pb3O4, PbO) de couleur rouge, fréquemment utilisé comme pigment depuis l’Antiquité. Au cours du vieillissement des peintures, ce pigment peut subir un noircissement lié à l’apparition de plattnérite (b- PbO2).
Source : Le noircissement du minium dans les œuvres peintes : vers une technique de restauration par irradiation laser.


Dans le roman de Baxter, la plattnérite induit en fait un mouvement de rotation à l'espace-temps lui-même autour de la machine, le pilote observant immobile le paysage du temps défiler. Ce qui permettra au narrateur de nous décrire, en traversant les siècles, ce qu'il voit, c'est-à-dire seulement ce qui perdure suffisamment longtemps.

Baxter reviendra, dans un chapitre du livre 2, « L'expérience » (p. 184-191) sur une des premières expériences que le narrateur a réalisée avec cette plattnérite.

On apprendra alors qu'il a lui-même inventé ce nom car c'est un certain Gottfried Plattner qui lui a offert cette substance. Ce nom est emprunté à celui d'un personnage d'une nouvelle de Wells, L'histoire de Plattner, qui voyage dans un monde parallèle suite à une expérience sur une poudre verte.

--> Voir Résumé et analyse sur Empire SF

Le narrateur des Vaisseaux du temps conclut de son expérience qui le conduira à la construction de sa machine :

Je crois que les rayons lumineux, en traversant la plattnérite, sont transférés temporellement (p. 191 ).

Défilé des siècles

Après un quart de millions d'années, il lui semble que l'homme ne construit plus rien à la surface de la terre (p. 35).

Il constate ensuite l'absence de saisons :

l'inclinaison axiale de la planète avait été corrigée (p. 36).

Ensuite, il voit que la terre tourne autour du soleil en même temps que sur elle-même, comme la lune autour de la terre, lui présentant toujours la même face.

Or, tout ceci, il ne l'a pas remarqué au cours de son premier voyage :

J'évoluais au milieu d'événements qui différaient considérablement de ceux dont j'avais été témoin lors de mon premier séjour(p. 40).
Et puis, tout d'un coup, le soleil explosa (p. 41).

S'ensuit une nuit éternelle.

Utopie

Le narrateur s'arrête accidentellement en 657208, soit cent cinquante millénaires avant la naissance de Weena, l'Aloï qu'il espérait retrouver dans ce nouveau voyage (p. 46).

Des Morlocks vivent déjà dans cette époque mais ceux-ci ont atteint un niveau d'avancement technologique inaccessible à l'homme de la fin du XIXe siècle qu'il est. Ils ont domestiqué le soleil dont ils récupèrent l'énergie (un globe a été construit tout autour), naviguent dans tout le système planétaire de notre étoile, traversant de grands espaces vides où les meubles apparaissent au fur et à mesure des besoins, ne se reproduisent plus par sexualité.

Loin de la dystopie de Wells, et même de l'utopie très contestable où l'oisiveté prévalait, Baxter décrit un monde proche de :

la forme idéale de la République imaginée par Platon (p. 99).

L'espace n'y manque pas et chacun peut choisir la « nation », « entité fluide » difficilement conceptualisable par nos contemporains, lui convenant le mieux. D'ailleurs :

Tout dissident est libre de partir et d'établir ailleurs un système concurrent (p. 100).

Dans quel but vivent ces êtres ?

La collecte et la sauvegarde de toutes les informations disponibles (p. 132).
Les Morlocks étaient comme un monde de moines patients qui travaillaient inlassablement à appréhender les mécanismes de notre grandiose Univers (p. 133).

Futur cause du passé

Dans son précédent voyage transtemporel, le narrateur n'avait nullement constaté cette maîtrise du système solaire par ses lointains descendants. De plus, il paraît peu probable que ces Morlocks-là se retrouvent enfouis sous terre dans leur futur, même encore lointain.

C'est précisément la narration de son voyage — c'est-à-dire l'ouvrage de Wells que nous lisons depuis plus d'un siècle et que liront sans doute encore de nombreuses générations après nous — qui a changé le cours du temps :

Munie de cet avertissement, l'humanité a réussi à éviter la décadence et les conflits qui eurent pour résultat le monde cruel et primitif des Éloïs et des Morlocks. Au lieu de quoi, nous avons continué de progresser ; au lieu de quoi, nous avons dompté le soleil. (p. 106)
C'est en substance dire la responsabilité de l'écrivain !

Univers en rotation

Dès le début, l'explication du voyage dans le temps est donnée à partir de l'hypothèse d'une torsion de l'espace-temps et de la faculté de la plattnérite de faire s'enrouler l'univers autour de la machine qui en est composée (voir ci-dessus).

À la fin de ce Livre Un, Nebogipfel, le Morlock en charge du narrateur, explique :

Dans un univers en rotation, un déplacement dans l'espace mais qui atteint le passé et l'avenir est possible. Notre univers tourne sur lui-même, mais si lentement qu'un tel trajet serait long de cent mille millions d'années-lumière et il faudrait un bon million de millions d'années pour l'accomplir !
[...]
Mais imaginons un univers de densité plus élevée que la nôtre : un univers aussi dense, en tous les points, que le cœur d'un atome de matière. Là une rotation serait effectuée en quelques fractions de seconde.
[...]
Mon hypothèse est qu'en vertu d'une propriété quelconque de la plattnérite votre machine transtemporelle vibre entre notre univers et cet univers ultradense et qu'à chaque fois elle exploite la torsion axiale de cette réalité-là pour voyager en une succession de boucles dans le passé ou l'avenir ! Vous circulez dont en spirale dans le temps.
(p. 159).