Bib:Demain sera féminin ? Indifférence et différence des sexes

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Anne Juranville : Demain sera féminin ? Indifférence et différence des sexes (Les Contemporains Favoris [bleue / essais], 2020)

Ce que l'art enseigne à la psychanalyse

Présentation de l'éditeur

Page dédiée à cet ouvrage sur le site de l'éditeur

« Demain sera féminin » affirme un personnage de Michel Houellebecq. On pourrait s’attendre à ce que ce soit là l’effet en Occident de l’égalité socio-juridique entre les hommes et les femmes et de l’avancée de la cause des femmes redevable aux conquêtes du féminisme.

Décisifs et irréversibles, ces acquis ouvrent l’horizon d’une présence accrue des femmes sur la scène du monde. Ils n’épuisent pourtant pas la question. A côté, en parallèle, la formule requiert une approche du féminin non superposable à celle de la sociologie, fût-elle nécessairement en interaction permanente avec elle.

Envisager le féminin autrement ne s’inscrit pas moins dans le cadre de la contestation contemporaine des normes rendue possible par une rupture historique avec la tradition. Mais c’est se situer sur un autre plan : celui de la logique de l’inconscient. Le hors-norme propre au féminin ressortit alors à ce que la psychanalyse théorise comme limites de l’ordre symbolique. Si le féminin se soustrait au patriarcat, c’est parce que cette marginalité (partielle) le situe au-delà de l’ordre œdipien phallique des pères. Par structure, les femmes sont « pas-toutes » phalliques.

Ce qui n’est pas sans jeter un pavé dans la mare. Outre que ce féminin comme catégorie de pensée s’applique au champ de l’anthropologie, il renouvelle les débats actuels autour de l’identité sexuée. Les artistes (Bellmer, Soutine, Bacon, mais aussi des écrivains comme Pascal Quignard, Catherine Millet, Elfriede Jelinek, Nelly Arcan, …) permettent de saisir quelque chose de cette part du féminin qui pose sous un jour nouveau la question polémique de l’indifférence des sexes. Ainsi, dans le processus de création, hommes et femmes occupent-ils une même place hors-sexe dont la marginalité s’accompagne de singulières jouissances. Ce qui n’exclut pas la nécessité d’articuler position d’indifférence sexuelle et statut d’être sexué. Côté hommes, l’envie, par exemple, à l’endroit d’une jouissance qui échoit spécifiquement aux femmes. Côté femmes, la difficulté fréquente d’une construction de leur propre féminité.


Anne Juranville

Agrégée de philosophie et professeur émérite de psychologie clinique (Université de Nice-Sophia-Antipolis), Anne Juranville a déjà publié notamment : La femme et la mélancolie (Puf, 1993), Figures de la possession (Presses Universitaires de Grenoble, 2001), La mélancolie et ses destins (InPress, 2005), et La psychanalyse à l’épreuve de l’art (Editons Universitaires Européennes, 2017).

Table des matières

INTRODUCTION - LE FÉMININ, PARTIE PRENANTE DE LA RUPTURE HISTORIQUE ET ÉPISTÉMOLOGIQUE DE LA POST-MODERNITÉ ENTRE STRUCTURE ET HISTOIRE, UN RENOUVELLEMENT DE L’APPROCHE DU FÉMININ, 11

Au-delà du féminisme, des théories du genre et autres discours courants, la logique du féminin comme un pavé dans la mare, 11

Survol de la structure du féminin : la logique du « pas-tout phallique », 17

« Demain sera féminin » ?, 24

AMBIVALENCE DE L’HISTORICISATION DE LA STRUCTURE SYM-BOLIQUE LIÉE AU SURGISSEMENT DU RÉEL, 26

D’un côté, « la civilisation, c’est l’égout », 26

De l’autre côté, la fixation du réel dans la culture, en rupture avec l’Un de la tradition, 28

QU’EN EST-IL, QUANT AU FÉMININ, DE « CE QUI ADVIENDRA DE CE REEL » ?, 35

À un extrême, une vérité du féminin « pas-tout phallique » à travers quelques discours contemporains, 35

À l’autre extrême, la « grande machine du pas-tout » dont participe le féminin au-dessus des lois, 41


QUE PEUT DONC ENSEIGNER L’ART CONCERNANT LE FÉMININ ?, 48

Le « devenir femme de l’art » et la logique du féminin : une indifférence des sexes qui met en question le «sexe de l’art » , 48

Indifférence et différence des sexes : la féminité sexuée chez deux femmes créatrices contemporaines, Elfriede Jelinek et Nelly Arcan, 49

PARTIE I - LE FÉMININ A LA POINTE DE L’ART

CHAPITRE I / LES EMBARRAS DU FÉMININ DANS l’ART. ENTRE DIFFÉRENCE ET INDIFFÉRENCE DES SEXES

Le féminisme aux avant-postes pour aborder la question du « sexe de l’art », 53

PEUT-ON PARLER DU « SEXE DE L’ART » ? DIALOGUE AVEC LE FÉ-MINISME CLASSIQUE QUI SUPPOSE LA DIFFÉRENCE DES SEXES, 55

   Les déclarations de guerre au phallogocentrisme, 55
   Promouvoir un « art-femme » spécifique ?, 62
   Finalement, peut-on parler du « sexe de l’art » ?, 67
   

LE SEXE DANS L’ART AVEC LE « FEMINIMASCULIN ». DIALOGUE AVEC UN NEO-FÉMINISME FONDÉ SUR LA LABILITÉ DES IDENTIFICATIONS SEXUELLES, 71

   Le jeu des sexes impliqué par le féminimasculin, 71
   L’explosion du carnaval du sexe dans l’art moderne et contemporain, 75
   Une « vérité » du féminimasculin dans l’art : dévoiler le caractère de semblant des images, 79
   Un « mensonge » du féminimasculin : faire couple ou faire Un, «la plus formidable blague», 84
   Le féminimasculin, un espace d’indifférenciation hors sexe qui relance la question du statut équivoque du féminin dans l’art, 92

ASPECTS CONTRASTES DU FÉMININ « BEYOND SEX ». VERS UN AUTRE ABORD DE L’INDIFFÉRENCE DES SEXES, 94

   Le programme de Rrose Sélavy : d’« éros c’est la vie » jusqu’à « beyond sex », 94
   « Beyond sex » comme régime de la confusion : au-delà du couple et de la « scène de ménage », le « devenir femme de l’art » selon le modèle deleuzien, 95
   L’origine mythique de l’art selon le modèle de la cosmologie : une première version de la toute-puissance fantasmée du féminin, 99
   Du plein au vide, une autre version de l’indifférence du féminin « matrice et fondement de la création ». Variations sur le modèle « cloacal » de l’art, 108
   Ouverture. Vers la féminité des artistes, quel que soit leur sexe, 117

CHAPITRE II / FÉMININ ORIGINAIRE, INDIFFÉRENCE DES SEXES ET CRÉATION

UNE POSITION FÉMININE DE L’ÊTRE A L’ORIGINE DU PROCESSUS DE CRÉATION. CHAIM SOUTINE, FRANCIS BACON, ELFRIEDE JELINEK, 123

   Chaïm Soutine. L’instant de la vision entre position de non-être et jouissance hors norme. Créer « dans l’extase terrifiée », 123
   Francis Bacon. A partir d’une logique de la sensation, une approche du « devenir-femme de l’art », 136
   Elfriede Jelinek. « Une femme de décombres ». L’écriture, exclusion du sujet et jouissance de la langue, 152
  

À PARTIR D’UNE POSITION FÉMININE D’INDIFFÉRENCE DES SEXES, LA STRUCTURE QUADRIPARTITE DU PROCÈS DE LA CRÉATION, 159

   Du paradigme du vase au modèle de l’écartèlement de la Chose: les quatre coins de la structure du désir, 160
   Le premier axe de la structure quaternaire : d’abord, le pôle d’une position féminine par identification originaire à la Chose, 163
   Le premier axe de la structure quaternaire : ensuite, l’ouverture de la Chose à l’Autre du langage, 169
   Le second axe de la structure quaternaire : d’abord, le pôle neutre du sujet de l’écriture, 177
   Le second axe de la structure quaternaire : ensuite, le pôle de l’objet, l’œuvre produite. Retour au féminin, 185
   Ouverture. Dans les prolongements de la logique du féminin, de l’indifférence à la différence des sexes, 188

PARTIE II - DE L’INDIFFÉRENCE A LA DIFFÉRENCE DES SEXES, A L’AUNE DU STATUT « PAS-TOUT PHALLIQUE » DES FEMMES

CHAPITRE I / UNE DIFFÉRENCE HOMME-FEMME : LA JOUISSANCE « SUPPLÉMENTAIRE », APANAGE DES FEMMES

LA JOUISSANCE « EN CORPS » QUI N’ÉCHOIT QU’AUX FEMMES. UNE APPROCHE DE LA DIFFÉRENCE DES SEXES A TRAVERS LA MUSIQUE : INSPIRÉE DE PASCAL QUIGNARD, L’EXEMPLARITÉ DE LA VOIX HUMAINE, 195

   La voix, une jouissance indestructible des femmes, 195
   Aspects du statut objectivant des femmes selon la logique de la jouissance « autre », 200
   SUR LE FOND DE LA PRESUPPOSITION D’UNE TOUTE-JOUIS-SANCE DES FEMMES, QUELQUES POINTS DE VUE MASCULINS, 208
   Louis-Ferdinand Céline : la masculinité de l’écriture en rivalité avec la féminité fantasmée de la danse, 208
   Gilles de Rais : s’approprier la jouissance féminine par le crime, 210
   André Gide : avoir affaire à une « vraie femme », 214
   Hans Bellmer : l’art, expression de la violence érotique de La femme toute sexe, 218
   Terreur et impuissance face à la supposée jouissance insatiable de La femme. La femme fatale, partenaire de Jack l’Eventreur, 225
   Vouloir être dans la peau de la « vraie femme » rêvée : une modalité de transsexualisme au masculin, 230

CHAPITRE II / LES FEMMES ENTRE STRUCTURE ET MODERNITÉ

« UNE ASPIRATION A LA FÉMINITÉ » DÉGAGÉE DANS LE MONDE HISTORIQUE. LE REEL DU FEMININ CHEZ LES FEMMES REELLES : UNE ÉQUATION COMPLEXE, 239

   Une féminisation de la société ?, 239
   Indépendamment du Penisneid freudien, une autre modalité du refus de la féminité, 245

COMMENT, POUR UNE FEMME MODERNE POTENTIELLEMENT LIBÉRÉE DU CARCAN PHALLIQUE, NE PAS ÊTRE « RÉDUITE À L’HOMME » ?, 247

   Être tout-sujet en tant que femme prise dans la rupture historique, 248
   Un statut de l’être-objet pour une femme dans le cadre d’une non-séparation du sexe et de l’amour, 255
   ASPIRATIONS A LA FEMINITE SOUS L’ANGLE DE L’ILLIMITATION, 259
   S’extraire du maillage symbolique dans le monde actuel : variations sur l’errance, 259
   L’illimitation de l’amour : du ravissement au ravage, 263
   Ouverture. Quelle transmission de ce féminin ?, 270

CHAPITRE III / FEMMES CRÉATRICES DANS LE MONDE D’AUJOURD’HUI

ELFRIEDE JELINEK ROMANCIÈRE ET FEMINISTE : « UNE FEMME SCINDÉE EN DEUX », 273

   La question du matriarcat dans le contexte familial et dans l’univers littéraire d’Elfriede Jelinek, 276
   L’autre face d’Elfriede Jelinek, femme politique et féministe, 286
   Elfriede Jelinek, femme créatrice hors des gonds phalliques. Deux voies pour se faire « pas-toute » : Médée et Eurydice, 293
   

NELLY ARCAN : ÊTRE UNE FEMME-OBJET DANS LA FOLIE OBJEC-TIVANTE DE L’HYPERMODERNITÉ , 297

   Nelly Arcan, « une femme de son temps », 297
   La douleur d’être femme : le statut existentiel attribué au corps, 302
   L’objectivation de soi, enjeu polémique central d’une œuvre qui témoigne des mutations de la société, 308
   Un clivage du sujet en résonnance avec le clivage du monde social, 311
   Folies de femmes. Deux versions opposées de l’absolutisation de l’être-objet, 312
   A l’époque post-moderne, où les femmes « n’ont pas besoin d’aimer pour vivre », la tentative et l’échec de l’amour, 320
   L’écriture ou « aller au bout d’une folie », 326