Doc:Création : Lectures 2

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Deuxième partie 
Huit artistes, huit femmes s'expriment sur l'art.

Jane Campion

2'
Mes films sont des réactions à l'obsession de la société pour la normalité, sa propension à exclure les déviants. (journal Le Monde, 2010)
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Michel Ciment : Jane Campion par Jane Campion (Cahiers du cinéma, 2014)

L’idée d’un film peut me venir d’une image qui ne sera pas forcément dans le film, d’une énergie, d’un besoin très très fort.. (p.?)
Lorsque vous multipliez les interviews, vous comprenez tout ce que vous avez pu faire. Quelquefois ça devient évident, ça fait partie du voyage. Les choses ne sont pas toujours conscientes et parfois, c'est un peu embarrassant que tout le monde voie les choses de manière claire, alors que vous, vous ne les voyez qu’après. Finalement, on découvre tout ça petit à petit ---
Un homme, certes, aurait pu mettre en scène cette histoire In the cut parce qu'il aurait pu imaginer ce qu'une femme ressent, mais moi, je le sais. Être une femme me donne confiance pour explorer des zones intimes. (p.?)
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Si ma famille avait vraiment été bizarre, je pense qu'il m'aurait été difficile de raconter des histoires sur ce qui va mal dans la cellule familiale ---

La Leçon de Piano correspondait à une période de bonheur conjugal (je venais d'épouser Colin Englert). Par contre, Portrait de femme fait suite au délitement de mon mariage et à la mort en bas âge de Jasper mon fils (auquel le film est dédié).. (p.?)
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Mon intérêt tout particulier pour les arts ?... littérature dans Un ange à ma table, musique dans La leçon de piano, poésie dans Bright star, poésie sur les murs du métro dans In the cut.

Je n'aime pas expliciter ... Toute explication détruit pour moi l'essence dramatique d'une histoire, mais évidemment le danger est que le spectateur ne comprenne plus très bien ce qui se passe. C'est au cinéaste de trouver une solution. (p.?)
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Je ne désire pas seulement regarder les comportements mais découvrir les pensées et les émotions, comme dans certains romans de Marguerite Duras ou de Flannery O'Connor. (p.?)
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Le scénario de Sweetie m'a été inspiré par des gens, des événements que j'ai connus. Je procède toujours ainsi, cela me donne plus d'autorité pour écrire, et même si je m'éloigne ensuite de ces expériences, j'ai toujours une base vers laquelle revenir. (p.?)
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Après avoir tourné Tissue, un film en super 8 apprécié par mes professeurs de l'université de Sidney, un déclic s'est produit. Alors qu'avant je me demandais ce que j'allais faire de ma vie. J'étais dans le brouillard. Je ne comprenais pas vraiment comment j'allais rendre ma vie intéressante à mes yeux. Quand j'ai découvert ça j'ai vraiment eu envie de continuer dans le cinéma. J'ai essayé d'intégrer le cinéma par tous les moyens.. (p.?)
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« Vous ne parleriez pas de films de borgnes ou de culs-de-jatte. 
Ça m'exaspère qu'on parle de films de femmes, comme si c'était une tare. » 
Diane Kurys in Femmes cinéastes en France : l'après-mai 68. B. Rollet, Clio n°10, 1999. ---

Camille Claudel

2'
Je partirai. Tu ne feras pas de moi la même chose que toi. Je ne te ressemble pas. Je veux vivre libre. (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.119 ; Camille à sa mère)
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Voix off masculine
N'atténuez jamais la laideur, l'avachissement de la vieillesse. 
Si vous arrangez la nature, si vous la gazez, la déguisez, 
vous créez de la laideur parce que vous avez peur de la vérité.
(Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.123 ; ,Rodin à Camille)
Je n'ai pas peur de la vérité, quelle qu'elle soit, monsieur Rodin. Je suis lucide, trop lucide. C'est comme si je voyais les êtres dessinés au couteau, les âmes sorties de leur gaine ! (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.124)
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C'était en 64. L'année de ma naissance. Pan ! À cause du froid, Rodin travaillait dans une écurie sans chauffage, le buste s'est cassé en deux. Seul restait le masque : L'homme au nez cassé. Il l'a présenté tel quel. En plus, il a été refusé. Quelques années plus tard, on a pris L'homme au nez cassé pour un superbe antique. Alors tu sais, les critiques... ! (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.149)
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Moi, je veux devenir un grand sculpteur mais aussi un extraordinaire praticien. Je crois que je serais folle de rage si je voyais quelqu'un d'autre abîmer, toucher mon marbre. Ma sculpture, je veux la sortir directement du bloc. (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.151)
Ça brûle en moi! Là tout au fond de la gorge. Regarde si ça ne flambe pas ! (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.156)
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Monsieur, ce sont des heures de travail, des heures d'interrogation, des heures où mon âme a brûlé. Pendant que vous mangiez, rigoliez, pendant que vous vous bâfriez de la vie, j'étais seule avec ma sculpture, et c'est ma vie qui se coulait peu à peu, dans cette glaise, mon sang que je laissais s'enfouir au plus profond, mon temps de vie. (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.172)
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La patience ! Laisse faire le temps. Tiens, tu sais ce qu'il disait le grand Katsushika Hokussai, tu sais, le vieillard fou de dessin, je me le répète souvent — pour moi... « Tout ce que j'ai produit avant l'âge de soixante ans ne vaut pas la peine d'être compté. C'est à l'âge de soixante-treize ans que j'ai compris à peu près la structure de la nature vraie. Les arbres, les herbes, les animaux, les poissons, les insectes, par conséquent, à l'âge de quatre-vingts ans, j'aurai fait encore plus de progrès » (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.218)
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Est-ce que la nature finit ? Est-ce qu'on fignole les arbres ? .... Je ne ferai plus rien d'entier... (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.318)
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Comment tu dis, Paul ? Ah oui : « elle n'a aucun des arts de la femme ». Si Paul ! La sculpture ! (Anne Delbée : Une femme (Camille Claudel) (Le Livre de Poche, 1984), p.322)
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Isadora Duncan

2' 12"
Quelle erreur de m'appeler une danseuse ! Je suis un pôle magnétique qui concentre et traduit les émotions de la musique. » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.278)
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Dès ma naissance, je mis une telle ardeur à agiter mes bras et mes jambes que ma mère s'écria : « [...] elle est atteinte de folie furieuse ! » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.17)
C'est de ma contemplation des vagues, quand j'étais toute petite, que m'est venue la première idée de la danse. Je tâchais de suivre leur mouvement et de danser à leur rythme. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.19)
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J'avais environ six ans quand ma mère, rentrant un jour à la maison, découvrit que j'avais réuni une demi-douzaine d'enfants du voisinage — tous trop jeunes pour marcher — et que je les avais assis par terre devant moi, pour leur apprendre à faire des mouvements de bras. Quand elle me demanda ce que cela signifiait, je lui dis que c'était mon école de danse. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.23-24)
Cette dernière aventure, pourtant, eut une influence marquée sur ma nature émotive, car elle en dirigea toutes les forces vers mon Art, à qui je demandai désormais les joies que l'amour me refusait. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.91)
Je jurai de ne plus jamais abandonner l'Art pour l'amour. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.134)
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La tristesse, les douleurs, les désillusions de l'amour, transformeraient tout dans mon Art. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.135)
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J'aimais, mais je connaissais maintenant, hélas, la légèreté, l'égoïsme du caprice de ce que les hommes appellent l'amour, et j'entrevoyais le nouveau sacrifice que j'allais imposer à mon art, sacrifice qui lui serait peut-être fatal ; voici que je commençais à souffrir d'une nostalgie intense de ma danse, de mon travail, de mon école. La vie me semblait si lourde en dehors de mes rêves d'art ! (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.297)
Alors, pour la centième fois, je pris la ferme résolution que, désormais, je consacrerais ma vie entière à l'art, qui est, malgré ses exigences impitoyables, cent fois plus reconnaissant que les êtres humains. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.312-313)
O femmes, pourquoi chercher à devenir avocate, peintre ou sculpteur, quand ce miracle existe ? Je connaissais maintenant cet amour tout-puissant qui dépasse l'amour de l'homme. J'étais étendue et sanglante, déchirée et sans forces, mais mon tout petit tétait et criait. Vie, vie, vie ! Où était l'art ? mon art ? Tous les arts ? Que me souciais-je de l'art ? Je sentais que j'étais un dieu supérieur à tous les artistes. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.244


Je cherchais, et je finis par découvrir le ressort central de tout mouvement, le foyer de la puissance motrice, l'unité dont naissent toutes les diversités du mouvement, le miroir de vision d'où jaillit la danse, toute créée. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.92)
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Cette source n'était pas le miroir de l'esprit, mais le miroir de l'âme, et c'est d'après la vision qu'elle reflétait que je pouvais exprimer sous forme de danse les vibrations musicales. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.93)
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Je m'appliquais à lire tout ce qu'on a écrit sur l'art de la danse, des premiers Égyptiens à nos jours, et je prenais des notes de toutes mes lectures dans un cahier ; mais quand j'eus fini ce travail colossal, je me rendis compte que les seuls maîtres de danse que je pouvais avoir étaient le Jean-Jacques Rousseau de l'Émile, Walt Whitman et Nietzsche. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.99)
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Inspirée par le tableau de Botticelli, je créai une danse qui cherchait à rendre son doux, son merveilleux mouvement, la tendre ondulation de la terre couverte de fleurs, la ronde des nymphes et le vol des zéphyrs, qui se déroule autour de la figure centrale, moitié Aphrodite, moitié Madone, dont un seul geste significatif indique la naissance du printemps. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.143)
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La gymnastique suédoise est un faux système de culture physique, parce qu'elle néglige l'imagination et fait du corps un simple objet, alors qu'il est un foyer d'énergie vitale, d'énergie cinétique. (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.236)
De mon âme jaillissaient les rayons de feu qui m'unissaient à l'orchestre tremblant et vibrant. » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.278)
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Je méditais sur les différences étranges qui séparent l'Art et la Vie, et je me demandais si une femme peut vraiment être artiste, car l'Art est un maître exigeant qui réclame tout pour lui seul, et une femme qui vit donne tout à la vie. » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.303)
Bâtissez un théâtre simple, magnifique. Vous n'avez pas besoin de le couvrir d'or ; vous n'avez pas besoin d'ornements et de stuc. L'Art vraiment beau vient de l'esprit humain et ne demande pas d'embellissement extérieurs. Dans notre école, nous n'avons ni costumes ni décors. Nous n'avons que la beauté qui découle de l'âme humaine exaltée et du corps qui est son symbole...  » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.315)
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Il est étrange que dans toute ma carrière d'artiste, ce furent des mouvements de désespoir et de révolte qui m'attirèrent le plus souvent. Dans ma tunique rouge, j'ai constamment dansé la révolution et l'appel aux armes des opprimés. » (Isadora Duncan : Isadora Duncan : Ma vie (Flammarion [Champs Sciences], 2017) - - première édition : 1928, p.414)
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Renée Fleming

2' 12"
Comme Ameling était venue à Potsdam pour donner quelques concerts, cette grande artiste hollandaise était devenue ma chanteuse favorite. J'écoutais ses enregistrements avec tant de ferveur que son influence pouvait s'entendre dans ma manière de chanter. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.61)
À cette époque, la musique me passionnait tellement qu'à me voir on aurait pu la croire inventée la semaine précédente. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.62)
Tandis que je luttais contre mes peurs, il ne me vint jamais à l'esprit , pas même une fois d'abandonner. Mes parents avaient imprimé en moi la marque « ne-jamais-abandonner ». Dans ma famille, on n'admettait pas la défaite, on n'acceptait pas que l'on change simplement d'idée pour aller voir ailleurs. le noyau de la philosophie de ma mère disait : que l'on joue dans une pièce de théâtre, que l'on prenne une leçon de piano ou que l'on possède un cheval, tout est possible, mais il est hors de question d'abandonner.(Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.74)

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Parce que je n'étais pas un pur talent, il me fallait acquérir une compréhension très élaborée du fonctionnement de mon instrument, une aptitude à discerner lucidement ses points forts aussi bien que ses points faibles. Je devais me bâtir une technique sur laquelle m'appuyer quelle que soit mon humeur (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.92-93)
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Je n'ai jamais vraiment su si la sensibilité était un fardeau ou un cadeau. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.103)
Sans ce travail, j'ignore comment j'aurais pu faire pour consolider mon registre supérieur. Et que serait donc une soprano sans aigu ? (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.107)
Un des nombreux présents que je reçus de Beverley [...], ce fut le haut de mon registre, l'aigu. Elle m'a appris à ouvrir l'arrière de ma bouche. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.123)
En fait, il faut être capable de rassembler soi-même tous les différents cours, enseignements et entraînements reçus, de sorte que la voix, le corps et la technique produisent un son juste et solide. Cela paraît assez simple mais ça m'a pris une éternité pour l'accomplir. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.120)
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Une fois que j'eus compris tout cela, il m'arriva de m'entendre dire que j'avais bien de la chance d'être née avec de telles facilités pour chanter. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.125)
Je n'aurais pas voulu être quelqu'un à qui tout réussit du premier coup, car alors je n'aurais pas appris à corriger moi-même mes faiblesses vocales. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.120)
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Ces temps-ci, j'ai parfois l'impression de consacrer plus de temps à la logistique qui entoure l'art qu'à l'art lui-même. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.201)
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J'attends toujours d'avoir terminé le cycle des représentations pour lire les critiques, parce que si elles sont particulièrement mauvaises, cela peut ruiner le moral. Je demande toujours à quelqu'un des les lire avant moi. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.253)
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« Accorde-toi une marge de dix pour cent » disait Jan. « Avoir la perfection pour objectif ne peut conduire qu'à l'échec ». (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.275)
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Pour moi, l'art du chant est l'art de l'expression — l'expression de la musique et celle du texte. En quelque vaste lieu que je projette ma voix, je m'en sers pour que l'espace entre moi et le public aille en s'amenuisant. Ma voix devient alors un grand filet que je déploie pour nous rapprocher tous. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.285)
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Je peux modeler une phrase de telle manière ou placer tel accent sur un mot. Dans ces occasions, c'est l'imagination elle-même qui s'est révélée. Alors les heures de dur labeur et de discipline au cours desquelles j'ai appris à maîtriser chaque note et à dessiner précisément le contour de chaque nuance, me libèrent de la page plus qu'elles ne m'y enchaînent [...] Comme ces moments-là sont des moments d'inspiration, ils sont éphémères, car la prochaine interprétation ne sera jamais exactement la même. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.286)
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Je crois que le but ultime du chanteur d'opéra est de laisser un héritage. (Renée Fleming : Une voix (Fayard [Musique], 2004), p.293)
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Nancy Huston

2' en voix off + 1' 20" en scène

Voix off

Nancy Huston : Journal de la création (Actes Sud [Babel], 2001),p.13
Nancy Huston : Journal de la création (Actes Sud [Babel], 2001),p.14
Nancy Huston : Journal de la création (Actes Sud [Babel], 2001),p.15

En scène

En réalité, les trois créations devraient se dérouler dans l'ordre inverse. De "CRÉATION III" émerge "CRÉATION II". De "CRÉATION II" émerge "CRÉATION I".
C'est-à-dire : l'homme devient créateur parce qu'il ment, parce qu'il (se) raconte des histoires. Il raconte, par exemple, que l'homme ne sort pas de la femme, mais la femme de l'homme.
(Nancy Huston : Journal de la création (Actes Sud [Babel], 2001),p.25)
Et Dieu créa la femme.

Et de la tête de Zeus jaillit Athéna, armée de pied en cap.
Et Héphaïstos fabriqua Pandore.
Et Pygmalion donna vie à Galatée.
Et de la côte d'Adam fut tirée Ève.
Et des connaissances mécaniques du professeur Coppélius émergea Olympia, la femme-machine.
Et du prodigieux savoir électrique de Thomas Edison surgit Halaly, femme idéale, Ève future.
Or, Dieu, Héphaïstos, Pygmalion, Zeus, Adam, Coppélius, Edison... ont en commun d'être tous des personnages — de mythes, de fables, de contes ou de romans. (« Tout ça, c'est des histoires. »)

C'est ainsi que naît "CRÉATION I" : de son propre mensonge, qui consiste à intervertir l'ordre des trois créations, pour se déclarer première, originelle.
(Nancy Huston : Journal de la création (Actes Sud [Babel], 2001),p.26)

Frida Kahlo

2' 10

J'ai commencé à peindre... par ennui, car j'étais alitée depuis un an suite à un accident au cours duquel je m'étais fracturé l'épine dorsale, un pied et d'autres os. J'avais seize ans à l'époque et j'étais pleine d'enthousiasme à l'idée de faire des études de médecine. Mais tout s'est arrêté dans le choc entre un bus de Coyoacán et un tramway de Tlalpan...

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007)) ---

La peinture a rempli ma vie. J’ai perdu trois enfants et une autre série de choses qui auraient pu remplir mon horrible vie. Tout cela a été remplacé par la peinture. Je crois qu’il n’y a rien de mieux que le travail.

(Rauda Jamis : Frida Kahlo (Actes Sud [Babel], 1995), exergue chap. “L’Attachement”, p.306) ---

Un journaliste poussa la grossièreté jusqu’à dire que ma peinture était plutôt de l’obstétrique… Il ne sait pas ce qu’est une femme, ignore ce que l’art implique comme douleur, cachée ou avouée, et l’a peut-être confondu avec une plaisanterie décorative.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007)) ---

Il faut que le tableau vous regarde autant que vous le regardez. ---

On oublie souvent de rappeler qu’il y a, de surcroît, dans l’histoire de la peinture, peu de portraitistes. De vrais, il s’entend. De gens qui, peignant un visage, vous montrent violemment ce qu’il y a derrière.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007))

« Ma peinture porte en elle le message de la douleur, chaque touche de pinceau est une trace de souffrance »

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007)) ---

Mais soudain, là, sous ce miroir oppressant, l'envie devient impérieuse de dessiner. Le temps m'était offert, non plus seulement pour tracer des traits, mais pour leur inculquer un sens, une forme, un contenu. Comprendre d'eux quelque chose, les concevoir, les forger, les tordre, les délier, les rattacher, les remplir. À la façon classique, pour apprendre je me servis d'un modèle : moi. Ce n'était pas facile, on a beau être son sujet le plus évident, on est aussi à soi-même le plus difficile. On croit connaître chaque fraction de son visage, chaque trait, chaque expression, or tout se déjoue sans cesse. On est soi et un autre, on croit se savoir jusqu'au bout des doigts, et soudain on sent sa propre enveloppe s'échapper, devenir complètement étrangère à ce qui emplit au-dedans. Au moment où l'on sent qu'on n'en peut plus de se voir, on s'aperçoit que l'image, en face, ce n'est pas vous.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.141) ---

On ne me contredira pas : l'art a besoin de temps. Pour réfléchir, pour œuvrer, pour approfondir. Je disposais — cadeau de l'accident ! — donc de ce facteur, sinon indispensable, du moins précieux : le loisir de travailler à ma guise, à mon rythme.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.142)

J'avais tout à apprendre de la technique. Je ne sais d'ailleurs pas si je l'ai, à ce jour, réellement acquise. Je me suis vraiment beaucoup appliquée, avec patience et minutie. Je n'ai rien copié ni personne. Tout est dans l'œil. Aigu, kaléidoscopique.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.142) ---

Je fus très impressionnée par la manière dont Proust parlait de Zéphora, la fille de Jétro, représentée par Botticelli, qui se trouve dans la chapelle Sixtine. [...] Longuement, j'avais contemplé ce visage, légèrement incliné, d'une émouvante beauté. L'écrivain mettait en parallèle le visage peint avec celui de la femme aimée. [...] Ce fut une révélation, je crois que c'est le mot. Je dois beaucoup à ces lignes de l'écrivain français, à ce visage de Botticelli.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.143) ---

Mes tableaux sont bien peints, non avec légèreté mais avec patience. Ma peinture porte en elle le message de la douleur. Je crois qu'elle intéresse au moins quelques personnes.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.310)

Y a-t-il un érotisme dans ma peinture ? Il se tient à la limite. C'est précisément cette limite qui dévoile, à mon sens, la force de l'érotisme. D'en découvrir la totalité, la tension tomberait, et avec elle la sensualité contenue dans le regard, dans la pose d'une main, dans un pli de vêtement, dans la matière d'une plante, une ombre, une couleur.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.327) ---

Y a-t-il masochisme, perversité, dans la représentation de ce corps écorché ? Je laisse à qui de droit le soin d'analyser un pareil destin, marqué sur la peau.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.327) ---

Je suis très inquiète au sujet de ma peinture. Comment la transformer pour qu'elle devienne utile au mouvement révolutionnaire communiste, car jusqu'à présent je n'ai peint que l'expression honnête de moi-même, mais absolument éloignée d'une peinture qui pourrait servir le parti. Je dois lutter de tout mon être pour que le peu de forces que me laisse ma santé soit destiné à aider la révolution. La seule véritable raison de vivre de Frida Kahlo.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.368) ---

La seule chose que je sais, c'est que je veux peindre, peindre. Encore et toujours : peindre.

(Frida Kahlo : Frida Kahlo par Frida Kahlo (Christian Bourgois, 2007), p.384)

Niki de Saint Phalle

2'

Niki de Saint Phalle : Traces (La Différence, 2014)

J'ai eu de la chance de rencontrer l'art parce que j'avais, sur le plan psychique, tout ce qu'il fallait pour devenir une terroriste. (p.?)
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L'art a été mon ami le plus proche. Sans lui, il y a longtemps que je serais morte. (p.?)
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Depuis l'âge de vingt ans, j'ai essayé toutes sortes de psychothérapies. Je cherchais une unité intérieure que je ne trouvais que dans le travail. Je voulais pardonner à mon père d'avoir essayé de faire de moi sa maîtresse lorsque j'avais onze ans. Mais dans mon cœur, il n'y avait qu'une rage et une haine farouches. (p.?)
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En 1961, j'ai tiré sur papa, tous les hommes les petits, les grands, les importants, les gros, les hommes, mon frère, la société, l'Église, le couvent, l'école, ma famille, ma mère, tous les hommes, Papa, moi-même. Je tirais parce que j'étais fascinée de voir le tableau saigner et mourir. (p.?)
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Je ne vous ressemblerai pas, ma mère. Vous avez accepté ce qui vous avait été transmis par vos parents : la religion, les rôles masculins et féminins, vos idées sur la société et la sécurité... Pour vous tout devait rester caché. Moi, je montrerai. Je montrerai tout. Mon cœur, mes émotions... Haine - amour - rire - peur - tendresse. (p.?)
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L'accouchement c'est la femme virile. Elle porte l'enfant comme un sexe masculin. Mes naissances font de la femme une déesse. Elles deviennent à la fois père et mère. (p.?)
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Les machos ont été mes muses. La souffrance qu'ils me procuraient et ma vengeance ont nourri mon art pendant des années. Je les en remercie. (p.?)
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Je peux seulement combattre la douleur et la tristesse par l'action. L'action est mon arme. (p.?)
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Les artistes sont des éponges. Ils sont perméables. (p.101)
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Suis-je folle? Dérangée ? Bonne à interner ? Cinglée? Le suis-je vraiment?. (p.176)
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Virginia Woolf

2' 10

J'écris une fois de plus pour calmer mon énervement.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.451) ---


Achever Mrs Dalloway le samedi 2 septembre. Du dimanche 3 au vendredi suivant, mettre en route Chaucer — ou plutôt ce chapitre-là devrait être terminé avant le 22 septembre. Et ensuite ? Écrirai-je le chapitre suivant de Mrs D. — si tant est qu'elle doive avoir un autre chapitre. Celui du Premier ministre, pourquoi pas ? qui ne sera terminé qu'une semaine après notre retour — disons le 12 octobre. À ce moment-là, il faudra que je sois prête à commencer mon essai sur le grec.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.451) ---


À la réflexion, il me semble que ce qui compte dans l'écriture, c'est de trouver le rythme. Si demain je trouvais le bon rythme, la césure de ma phrase au bon moment, j'écrirais d'un trait. Il ne s'agit pas seulement du style, du mot juste mais d'une certaine façon de faire s'élever la pensée qui est en vous ...

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.561)---


Mais la seule vie qui soit passionnante est la vie imaginaire. Dès que les rouages commencent à tourner dans ma tête, je n'ai presque plus besoin d'argent, ni de robes, ni même d'un buffet, d'un lit ou d'un canapé.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.716) ---


Si dégoûtée d'Orlando que je ne peux plus rien écrire. J'ai mis une semaine pour corriger les épreuves et suis incapable de dévider une phrase de plus. Je déteste ma propre prolixité.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.721) ---


Toute la nuit dernière, j'ai rêvé à Katherine Mansfield et Je me demande ce que sont les rêves ; ils suscitent tellement plus d'émotion que ne le fait la pensée.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.722) ---


L. peut se montrer sévère, mais il vous STIMULE. Tout est possible avec lui.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.798)


Oui, il est bien vrai que coucher quelque chose par écrit, c'est s'en débarrasser.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.794) ---


Rien ne me plaît que mon aptitude à vibrer. Si je n'étais pas si malheureuse, je ne pourrais pas être heureuse.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.867) ---


Quelle vit doit-on mener ? La vie que l'on aime. J'aime écrire, j'aime le changement, j'aime lancer mon esprit dans les hauteurs et attendre de voir où il va retomber.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.933) ---


J'essayais d'analyser ma dépression d'expliquer comment mon cerveau est harcelé par ce conflit intérieur entre deux types de pensée : la pensée critique et la pensée CRÉATRICE, et combien je suis épuisée par la lutte, les heurts, l'incertitude extérieurs à moi.

(Virginia Woolf : Virginia Woolf : Journal intégral 1915-1941 (Stock [La cosmopolite], 2008) - - première édition : 1979, p.950) ---


le pont du Gard sous le soleil, les Baux et pendant tout cela, croissait en moi sans cesse une telle envie de mots qu'une feuille de papier, une plume, de l'encre en vinrent à me paraître des objets extraordinairement désirables ; j'aurais même accueilli le grattement de la plume avec un soulagement quasi divin.

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